« Certificat des savoirs verts » : ni le fond ni la forme!

« Le certificat des savoirs verts » : la réaction d’EPLP

Quelques jours avant le début des vacances d’été, les services de Matignon ont annoncé qu’un projet de « certification des savoirs verts » pour le niveau collège était à l’étude. Cette proposition vient  en réponse à celle portée, entre autres, par l’association étudiante Pour un Réveil Écologique, qui représentait la jeunesse dans le Conseil National de la Refondation.  Par la voix de sa porte-parole Léa Falco, l’association appelait de ses vœux la création d’un « brevet vert », pour l’ensemble des élèves. A-t-elle été entendue ? Cette idée est-elle pertinente ? 

Dans la mesure où ce débat s’est tenu (une fois de plus…) à distance des enseignant.e.s, EPLP apporte ici son point de vue. 

Le fait que la question écologique devienne un objet d’évaluation dans le système scolaire montre qu’elle va désormais être prise en compte. Car, même si on peut déplorer cette logique, c’est bien la seule façon de s’assurer qu’un enseignement va être pris au sérieux par les élèves, les familles, les directions d’établissements. Il y a donc là un premier point d’intérêt qui mérite d’être souligné. 

Mais contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, le gouvernement est loin de reprendre à son compte l’idée d’une extension des épreuves du brevet, première épreuve diplômante de l’enseignement secondaire. L’écologie n’aura pas le sort de l’histoire des arts, qui est devenue une épreuve à part entière de l’examen. En effet, il ne s’agit ici que d’une certification. Elle ne serait pas obligatoire et surtout ne serait pas l’aboutissement d’une formation particulière, ni accompagnée d’aucuns moyens supplémentaires pour préparer les élèves ou former les enseignant.e.s. 

Les enseignant.e.s connaissent déjà, sur ce modèle, la certification PIX, qui permet d’évaluer les compétences numériques d’un élève. Les mêmes travers seront sans doute observés : les élèves qui passent la certification sont les mieux informé.e.s, les plus à l’aise dans le système scolaire, sont celles et ceux qui perçoivent ce qu’un tel label peut apporter dans leur dossier scolaire. Le fait que la certification soit sur la base du volontariat limitera la participation aux élèves dont les connaissances liées à l’écologie sont les plus développées : or ces connaissances auront été acquises en dehors de l’école (puisqu’aucun temps de formation dédiée n’est prévu)  et identifiées en tant que connaissances majoritairement dans les CSP les plus favorisées. De là à dire que cette certification accentue les inégalités, il n’y a qu’un pas. Que nous franchissons. 

Les modalités de la certification annoncées ne sont pas non plus satisfaisantes : il s’agirait d’un questionnaire informatique à choix multiples, à remplir en autonomie. Voici donc encore un temps de plus passé devant un écran, où l’élève se retrouve coupé.e de son environnement, un comble dans le cadre d’une certification censée s’y rapporter !  Nous y voyons un non-sens. 

Nous voyons aussi un risque à laisser les élèves seul.e.s face à ces sujets éminemment anxiogènes, pour lesquels le besoin  d’accompagnement, de médiation, d’explications est impératif.  Être « certifié.e », se sentir très informé.e et très compétent.e sur ces questions peut en effet, paradoxalement, provoquer un sentiment de grande solitude et de grande impuissance, bien connu des militant.e.s écologistes. 

Ce point nous amène à la question du contenu. Les informations qui ont filtré sont encore vagues :  « bien s’alimenter, trier les déchets, comprendre le changement climatique, protéger la planète ». On contestera peu le projet d’évaluer les connaissances des candidat.e.s sur le réchauffement climatique, mais encore faut-il que ce sujet soit traité dans sa complexité, et pas seulement comme un phénomène biophysique venu de nulle part. L’histoire, les causes, les responsabilités de ce phénomène doivent être identifiés par nos élèves, dans une approche nécessairement pluridisciplinaire. 

Le dernier item « protéger la planète », se passe de commentaire tant il est imprécis. Toutefois, le reste est instructif quant à la véritable intention de ce dispositif : « bien s’alimenter, trier ses déchets ». Il s’agit essentiellement de « savoirs » liés à la pratique d’éco-gestes et donc strictement tournés vers la sphère individuelle. Nous retrouvons ici les limites de l’Éducation au Développement Durable. « Bien s’alimenter », c’est bien s’alimenter soi-même, ce n’est pas être éduqué au choix alimentaire et à  réfléchir au système alimentaire dans lequel une société évolue. « Trier ses déchets », c’est développer une compétence de consommateur.trice,et non exercer un regard critique et distancié sur la société de consommation qui est en parti responsable du désastre écologique. Évaluer les élèves sur ces écogestes revient à leur dire que c’est là que se tient leur marge de manœuvre face aux défis écologiques. Ces écogestes ne sont pas inutiles et doivent être pratiqués, mais ne peuvent être considérés comme un socle de connaissances valables et suffisantes pour construire la réflexion des écocitoyen.ne.s de demain. Ils pourraient même y faire obstacle. En effet,  les élèves perçoivent très rapidement que ces gestes sont insuffisants, voire vains, et peuvent se décourager si aucune autre perspective, plus pertinente et plus collective, ne leur est suggérée. C’est là toute l’erreur de cette mesure, dont l’annonce ne fait que perpétuer une série de décisions insuffisamment dotées, en moyens humains comme financiers, depuis la création des éco-délégués à la rentrée 2019. 

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