Page du Front Pédagogique Anti-Nucléaire

Nouvel article : Quoi de neuf dans l’éducation au nucléaire? (11 juin 2022)

Le nucléaire, généralement présenté sous un jour très positif dans les établissements scolaires…..

Le Front pédagogique contre le nucléaire s’est rassemblé au Lycée Autogéré de Paris les 12 et 13 mars 2022. La rencontre avait pour ambition d’élargir le Front à un maximum de participant.es s’intéressant à l’éducation afin de le porter et d’en diffuser l’usage. Notre objectif est de contribuer à construire et à apporter des outils pédagogiques qui permettent de raconter autrement le nucléaire.

Il s’organise pour répondre au manque de formation des élèves comme des enseignant.es sur les questions touchant au nucléaire. De fait, ce manque de connaissances empêche l’esprit critique de se développer sur le sujet tout comme les prises de conscience quant aux enjeux du nucléaire. L’objectif du Front est donc de construire des arguments en réponse aux lobbys pronucléaires, qui eux fournissent des outils de propagande clé en main aux enseignant.es, ainsi que des visites de centrales[1] et du laboratoire de l’ANDRA notamment[2].

Si dans d’autres pays sortis du nucléaire ou qui n’y sont jamais entrés, il peut être respectable de considérer le nucléaire comme dangereux et contre-productif, en France, le pays le plus nucléarisé au monde[3], beaucoup ne se sentent pas légitimes ou libres de tenir le même discours. C’est que nous baignons dans une ambiance pronucléaire, du président de la République qui relance et soutient la filière à l’aura médiatique d’un Jean-Marc Jancovici en passant par les vulgarisateurs scientifiques de la plateforme You Tube, sans oublier le soutien apporté à cette filière par le PCF jusqu’au RN, le discours nucléariste est constamment relayé. Ainsi les arguments critiques du nucléaire sont souvent attribués à une écologie « dogmatique », non scientifique voire ésotérique. Ce qui nous rappelle les grandes heures de la propagande de l’industrie fossile ou celle de l’industrie du tabac. En France l’industrie nucléaire est quasiment hégémonique dans le domaine de l’électricité, ORANO, EDF, l’ANDRA, l’ASN et l’IRSN sont autant d’institutions publiques ou privées émanant d’une volonté de nucléariser le pays. Ces industries ont des moyens de communication importants et bénéficient du soutien des gouvernements successifs. Il est donc normal d’aboutir, dans l’imaginaire de certains jeunes, à une écologie compatible avec le nucléaire, véritable aberration intellectuelle, notamment par le simple fait historique que le combat contre le nucléaire est à la base du mouvement écologique en France[4].

Comment expliquer une telle incohérence ? L’analyse des programmes scolaires est une piste. La question des déchets nucléaires est apparue officiellement dans les programmes de sciences au lycée en 2020 seulement. Et cela a été contrebalancé par des nouveaux programmes clairement en faveur du nucléaire. Il suffit de lire les manuels scolaires pour constater que cette filière n’est jamais remise en question. Par exemple, le projet controversé ITER, et le nucléaire en général, sont souvent présentés comme des solutions au réchauffement climatique, sans point de vue critique[5]. En histoire, la nucléarisation de la France est toujours étudiée sous l’angle économique, comme un élément de la geste gaullienne visionnaire et modernisatrice, mais jamais sous l’angle politique, comme la création d’un domaine ultra-réservé des chefs d’états qui n’a jamais été soumis au contrôle démocratique.

Nous souhaitons donc proposer des contenus pédagogiques qui permettraient au discours antinucléaire d’avoir le même espace que celui pronucléaire, car il en va, d’une part de la neutralité de l’éducation sur cette question, et, d’autre part, d’une réelle prise de conscience de ce qu’implique l’exploitation industrielle de la radioactivité.

Des arguments simples, et qui ne peuvent être taxés d’ésotériques, sont encore trop peu relayés, comme le besoin impératif d’eau disponible en forte quantité pour faire fonctionner les centrales, le lien entre nucléaire civil et militaire, pourtant souligné par Emmanuel Macron[6], ou l’approvisionnement en uranium qui se fait exclusivement à l’étranger[7]. Le premier argument permet comprendre que le nucléaire n’est pas une réponse si simple que cela au réchauffement climatique dans un contexte de hausse des sécheresses, le deuxième de penser les désastres nucléaires militaires et civils comme intimement liés, les essais nucléaires consistant à faire exploser une bombe atomique à des fins expérimentales font partie de l’histoire des centrales et réciproquement, et le troisième argument fragilise la notion d’indépendance énergétique de la France. Proposer des activités autour de ces problématiques permet aux élèves d’affiner leur regard critique. Ainsi certains d’entre eux comprennent, par eux-mêmes, pourquoi le nucléaire et le gaz sont entrés dans la taxonomie verte européennes et ne sont pas dupes des tractations politiques, et non scientifiques, qui ont amené à ce genre de décision[8]. Au niveau scientifique d’ailleurs, le travail sérieux du Groupement de Scientifiques pour l’information sur l’Energie Nucléaire (GSIEN) et de l’association de scientifiques Global Chance est encore très peu connu des salles des professeurs. Il serait temps de transmettre aux jeunes toute une littérature scientifique critique de cette filière. De même l’histoire des institutions comme l’UNSCEAR[9] ou l’agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA)[10] et son influence sur l’OMS[11], permet de comprendre réellement les controverses sur les bilans officiels des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima.

Le travail d’information à travers des contenus pédagogiques est donc colossal si l’on veut donner la vision la plus large possible à nos élèves de la problématique nucléaire. Car cela ne se limite pas à des controverses théoriques ou « scientifico-scientifiques », limités au rejet de gaz à effet de serre par exemple, comme cela est si souvent mis en avant dans les vidéos You Tube de vulgarisation scientifique – faites par d’anciens « bons élèves » par ailleurs, ce qui explique aussi l’ampleur de la tâche que nous nous sommes donné.e.s. On rappelle, en effet, qu’il s’agit ici de la critique d’une industrie nucléaire et non de la physique nucléaire. Une industrie implique tous les aspects, toutes les facettes de la vie. Ainsi notre rôle d’enseignant est de traduire au mieux l’épaisseur des réalités humaines et matérielles qui se trouvent derrière les connaissances livresques :  quand on parle de la production de l’énergie et du fonctionnement d’une centrale nucléaire, on peut faire un schéma compréhensible, mais ça ne traduit pas la réalité de la quantité de matières et de travail pour mettre en oeuvre une telle installation, ni les conséquences pour la santé des travailleurs et des habitants, ni les dégâts  environnementaux. Notre projet est de trouver des supports pédagogiques qui dévoilent les implications humaines et matérielles de notre environnement industriel.

C’est pourquoi nous voulons nous adresser, à travers ces supports, à tous les niveaux scolaires, du primaire au supérieur, et à toutes les matières, de l’enseignement scientifique à la philosophie. Nous souhaitons devenir un réseau de soutien fait d’enseignant.es, de personnes syndiquées, de militant.es, d’opposant.es au sein des institutions, d’animatrices et animateurs… Nous souhaitons aussi nous adresser aux personnes, hors de l’institution scolaire, qui souhaitent s’instruire sur la question nucléaire.

Enfin, nous ne voulons pas être seulement les oiseaux de mauvais augure et voulons relayer d’autres façons de voir le futur énergétique en France. Nous voulons montrer que d’autres solutions, d’autres manières d’habiter la planète existent. En ce sens nous voulons aussi laisser la place aux émotions, aux doutes et à ceux qui essayent, expérimentent d’autres modes de vie. La prise de conscience se fera aussi par la création d’un nouvel imaginaire, un imaginaire dénucléarisé.

Pour nous rejoindre et/ou être informé.e de la suite, écrivez-nous à nucleaire_badaboum[a]riseup.net.

Vous pourrez également trouver des informations sur bureburebure.info et https://enseignantspourlaplanete.com/


[1] Orano invite, par exemple, des proviseurs de lycée (source : compte twitter d’Orano), l’ANDRA propose des visites de son laboratoire à Bure couplées avec des visites de patrimoine et se présente comme un « organisme culturel » (sources : Rapport d’activité ANDRA 2018 et 100 000 ans D’Allens, Bonneau, Guillard. Seuil. 2020)

[2] Ainsi par exemple une brochure distribuée par EDF dans les lycées agricoles des départements de la Haute Marne et de la Meuse, nommée « Success stories agriculture » (https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/energies/nucleaire/D%C3%A9chets/edf_successstories_2021-vf.pdf).

[3] La France est le deuxième pays possédant le plus de réacteurs dans le monde derrière les Etats-Unis, mais la taille du territoire, le nombre d’habitants et la part du nucléaire dans l’énergie électrique permettent de considérer la France comme le pays le plus dépendant du nucléaire. Sources : sites EDF et connaissance des énergies.

[4] Lire Survivre et vivre : critique de la science et naissance de l’écologie coordonné par Céline Plessis. L’échappée. 2014.

[5] Exemples : p.191 p. 197 Manuel Bordas Terminale Enseignement Scientifique. 2020

p. 172 et 173 Manuel Belin Terminale Enseignement Scientifique. 2020 : voir extraits en annexe.

[6] « Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil. » Déclaration du Président Emmanuel Macron depuis l’usine Framatome au Creusot. 8 décembre 2020.

[7] L’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire : un tour de passe-passe statistique par Pierre Breteau. Le monde.fr. 21 janvier 2022.

A mettre en regard avec l’article ubuesque d’Areva « Sommes-nous dépendants des importations d’uranium ? » disponible sur leur site.

[8] D’après des échanges entre élèves lors d’un débat autour de l’exploitation de l’uranium à l’étranger par la France.

[9] Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants.

[10] Lire par exemple Tchernobyl par la preuve de Kate Brown sur la création de l’UNSCEAR, les liens avec l’AIEA et les liens avec l’OMS. Chapitres 21 à 25. Actes Sud. 2021.

L’UNSCEAR est souvent présentée de façon abusive dans les discours de propagande nucléaire comme une institution intergouvernementale indépendante au même titre que le GIEC.

[11] Accord signé entre l’OMS et l’AIEA du 28 mai 1959. Extrait : « L’Agence internationale de l’Énergie atomique et l’Organisation mondiale de la Santé conviennent que, en vue de faciliter la réalisation des objectifs définis dans leurs actes constitutionnels respectifs, dans le cadre général établi par la Charte des Nations Unies, elles agiront en coopération étroite et se consulteront régulièrement en ce qui concerne les questions présentant un intérêt commun. »

APPEL DU FRONT PÉDAGOGIQUE CONTRE LE NUCLÉAIRE

Le collectif EPLP profite des journées de mobilisation en faveur des militants anti-CIGEO inculpé.e.s au procès de Bar-le-Duc pour prêter les colonnes de son site internet au Front Pédagogique Antinucléaire. Nous partageons avec les membres de ce collectif le souci de voir le discours pro-nucléaire trop souvent présenté sans nuance ni contradiction dans nos écoles. Voici leur appel.

« Le groupe « Front pédagogique », initié dans le sud Meusien, est né du constat qu’une grande partie des jeunes de Meuse / Haute Marne et alentours étaient soumis à la « communication » de l’ANDRA(1) dans le cadre scolaire, que ce soit lors des visites du laboratoire de Bure-Saudron (2) ou via les partenariats et autres documents fournis aux établissements scolaires. Certain.es enseignant.es ont pu, au fil des années, exprimer spontanément une demande de contreinformation lors des visites du laboratoire à laquelle les groupes d’opposant.es à Cigéo (3) ont eu bien du mal à répondre faute de structure appropriée. Cette « communication » se retrouve par ailleurs autour de beaucoup d’autres installations liées au nucléaire. Ce front pédagogique s’est ensuite vu renforcé par des personnes de Lorraine et d’ailleurs, militant.es anti nucléaires, sensibilisées et/ou au contact de publics jeunes (animateur.ices Nature, professeur.es, artistes…). C’est ainsi que dans le cadre du Front Associatif et Syndical Contre CIGEO, un groupe s’est rassemblé pour constituerle « Front PédagogiqueContre le Nucléaire ». Ce groupe s’est donné pour but de contrer la propagande de l’ANDRA, d’EDF et d’Orano auprès des élèves de l’école élémentaire au lycée.

Il s’agit de :

• collecter toutes les références des supports pédagogiques « anti-nucléaires » déjà existants et à destination des élèves. Et bien sûr tous les supports prônant la sobriété énergétique et les alternatives sont les bienvenus,

• de relever et d’étudier les thèmes en rapport avec le nucléaire dans les programmes scolaires (tant d’un point de vue technique, scientifique qu’historique ou science de l’environnement, etc.),

• d’inventorier concrètement la manière dont l’industrie nucléaire entre dans les écoles (supports, visites, site internet, vidéo, financement…),

• de faire des recherches et de déterminer le cadre légal dans lequel nous pourrions proposer nos interventions dans les établissements scolaires ou même au sein des associations d’éducation populaire. Même si nos moyens n’ont rien à voir avec ceux du lobby nucléocrate, nous pensons que la propagande de l’industrie du nucléaire auprès des jeunes doit être critiquée de manière active par les enseignant⋅es, les documentalistes et tous les responsables de l’éducation.

Nous invitons toutes les militantes et les militants anti-nucléaires, exerçant ou ayant exercé dans ce domaine, à nous rejoindre dans cette démarche en nous écrivant à l’adresse suivante : nucleaire_badaboum[arobase]riseup.net

Vos supports, informations, témoignages sont également les bienvenus. Notre prochaine réunion aura lieu à distance, à 20h, début juillet. Nous comptons sur vous ! « 

1. ANDRA: Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs 2. Le labo : Réseau de galeries souterraines creusées à 500m de profondeur afin d’étudier la faisabilité de Cigéo 3. Cigéo: Centre industriel de stockage géologique profond de déchets radioactifs

Invitation aux 8èmes journées d’étude du collectif Arrêt du Nucléaire au Lycée Autogéré de Paris


Le Collectif ARRÊT DU NUCLÉAIRE, vous invite à participer à deux journées d’échanges et de
débats, les 8, 9, 10 octobre au Lycée Autogéré de Paris, 393 rue de Vaugirard 75015 Paris
Métro ligne 12 Convention ou Porte de Versailles

Buts de ces journées

  • favoriser des échanges entre personnes d’âges et d’horizons divers, élèves du LAP, militants contre CIGEO, militants contre le réchauffement climatique etc. et des militants antinucléaires plus ou moins anciens
  • partager et actualiser nos connaissances sur les questions du nucléaire
  • réfléchir ensemble aux actions communes, élaborer collectivement des stratégies pour
    arrêter le nucléaire.
    Le Lycée autogéré de Paris(LAP) prête gracieusement ses locaux pour l’occasion : dans la perspective de cette rencontre des élèves et des enseignants du LAP travailleront la
    question du nucléaire en liaison avec les programmes scolaires et ceux qui le voudront bien assisteront aux journées.

Plus d’informations ici (programme détaillé et bulletin d’inscription )