La conscience écologique, un chemin à construire, des émotions à traverser. Episode 1.

« Les éco-anxieux sont des gens normaux dans un monde malade. » Arrêt sur Image, 28 juin 2019
« Entre les mains et la tête, le médiateur doit être le cœur » Metropolis, Fritz Lang, 1936
Qu’est-ce que l’éco-anxiété ? L’éco-anxiété est une détresse écologique qui englobe toute une palette, une nébuleuse d’émotions et de sentiments liés à la prise de conscience des modifications de notre environnement (les bouleversements climatiques, l’effondrement de la biodiversité en sont deux causes importantes). Sous ce terme, l’éco-anxiété inclut certes anxiété, angoisse, dépression mais aussi colère, frustration, sentiment d’impuissance, repli sur soi ou sentiment d’isolement, tristesse, mélancolie. Le terme de solastalgie renvoie à la douleur de la modification de son environnement, il a été forgé dans les années 2000 par le philosophe australien Glenn Albrecht alors qu’il observait une vague de déprime chez les habitants de la Hunter Valley suite à la défiguration du paysage et à la pollution résultant du développement de l’industrie minière. Les deux sont liés. Les émotions de l’éco-anxiété accompagnent très souvent la prise de conscience de la dégradation du système Terre. Cette douleur peut aussi être considérée comme un signal d’alarme, nous obligeant à voir, à ressentir dans notre chair les conséquences catastrophiques, morbides de la civilisation technique et industrielle. En effet, l’éco-anxiété nous invite à nous détacher de ce qui est malade dans notre façon de vivre, individuelle, collective, notre manière de penser et même de ressentir le monde. Elle est une invitation à s’engager dans une transformation-transition intérieure et mène aussi à une transition-transformation extérieure. Loin de se taire après la prise de conscience, les émotions liées à l’éco-anxiété ressurgissent régulièrement de façon non linéaire, avec plus ou moins d’intensité. L’image qui semble le mieux coller au mouvement des émotions est celle de la spirale. Ainsi, même si la tristesse vient nous visiter à plusieurs reprises, il ne s’agit jamais de la même tristesse. Chaque traversée d’émotions est une invitation à se reconnecter au monde, au vivant en soi et hors de soi. Ces émotions sont une richesse à vivre, même si elles sont douloureuses. Les enseignant·e·s aujourd’hui ont à vivre leur propre (r)éveil écologique mais aussi à accompagner ceux de leurs élèves, et donc des émotions qui vont avec.
Comment, alors, aborder la richesse de la traversée mouvementée des émotions liées à l’éco-anxiété ? Comment parler d’écologie en classe, avec ses élèves lorsqu’on se sent soi-même assailli par la tristesse, l’incompréhension, la colère ? Que faire de ces émotions qui jusqu’à présent étaient évacuées de l’enseignement ? Et comment se tenir debout et continuer à vivre dans un monde qui s’effondre ? le peut-on ? La réponse n’est pas dans la panique, l’abandon, ou le repli sur soi, au contraire, elle réside dans l’ouverture vers l’autre, l’engagement et le partage. Cette peine qui accompagne cette prise de conscience est aussi un trésor, celui de notre humanité. Et c’est dans cette prise de conscience, cette compréhension et l’acceptation des émotions que peut être valorisée l’empathie, condition d’une solidarité sincère et authentique.
Pouvoir encore verser des larmes pour d’autres que soi, humains et non-humains, ça s’appelle « empathie ». En faire le coeur de l’école, c’est nous donner une chance de retrouver aussi une forme de sagesse, patiente, afin de dépasser le sentiment d’impuissance, de solitude et de colère face à la réalité d’une Terre malade, pour reconstruire notre façon d’être au monde, de l’habiter sans le détruire, de pouvoir encore le rêver.
Nous proposerons régulièrement un article sur une émotion que nous tenterons d’explorer depuis les profondeurs de l’intime jusqu’au jaillissement de ses réponses dans le monde.
Sources :
Livres
Emotions : enquête et mode d’emploi, Tomes 1 et 2, Art-Mella , Editions Pour Penser
Surmonter les émotions destructrices, Daniel Goleman
L’échelle de Chefurka, dite « de la conscience » sur le site de Adrastia
Vidéo : Et Tout Le Monde S’en Fout, chaîne Youtube, épisode « Les émotions »